La Cour d’appel de Versailles a annulé jeudi le licenciement
en 2009 d’une ingénieure qui avait refusé de retirer son voile islamique à la
demande de ses employeurs.
Après
une longue procédure ponctuée de plusieurs jugements, la Cour d’appel de
Versailles a délivré ce jeudi la décision finale dans une affaire qui a débuté
il y a dix ans et qui cherchait à répondre à la délicate question du port du
voile islamique dans une entreprise privée.
Une procédure longue de dix ans
Asma
Bougnaoui était ingénieure informatique chez Micropole, une entreprise de
conseil informatique basée à Levallois. Elle a été licenciée un an après son
embauche, en 2009. Groupama, un client chez qui elle se rendait pour des
missions, s’était plaint du fait qu’elle portait un voile islamique et que cela
gênait certains de ses collaborateurs. Les responsables d’Asma Bougnaoui lui
avaient alors demandé de le retirer lors de ses prochaines interventions chez
le client mais elle avait refusé. Micropole l’avait mise à la porte, invoquant
notamment le fait qu’elle risquait de perdre un marché. Elle a alors contesté
la rupture de son contrat de travail devant la justice, s’estimant victime
d’une mesure discriminatoire liée à ses convictions religieuses. La Cour
d’appel de Versailles vient de déclarer son licenciement nul et a condamné la
société Micropole à payer 15.234 euros à titre d’indemnité à son ancienne
employée.
La procédure judiciaire aura été longue. Le conseil de
prud’hommes puis la Cour d’appel de Paris avaient soutenu l’entreprise et
estimé que le licenciement était fondé sur «une cause réelle et sérieuse». Asma
Bougnaoui s’était alors pourvue en cassation. La plus haute juridiction
française, prudente, avait sollicité l’avis de la Cour de Justice de l’Union
européenne (CJUE).
L’importance du règlement interne et d’un principe de
neutralité
À l’époque, cette dernière
avait jugé que «la volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits du
client de ne plus voir ses services assurés par une travailleuse portant un
foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle
essentielle et déterminante». La CJUE avait estimé que le règlement interne
d’une entreprise pouvait, sous certaines conditions, prévoir l’interdiction du
port visible de signes religieux ou politiques comme le foulard islamique, par
des salariés en contact avec les clients. Elle avait également précisé qu’en
l’absence de règle interne sur le sujet, il était très difficile de prouver le
caractère légitime de l’interdiction d’un signe ostentatoire comme un foulard
religieux. Ce qui était le cas concernant l’entreprise Micropole qui évoquait
pour sa part une règle orale prononcée lors du recrutement d’Asma Bougnaoui. La
Cour de cassation avait alors repris cet argumentaire et jugé discriminatoire
l’ordre oral donné à la salariée, «visant un signe religieux déterminé». Elle
avait également cassé l’arrêt validant le licenciement et renvoyé le dossier à
la Cour d’appel de Versailles qui a soutenu la salariée en annulant son
licenciement pour refus d’ôter son voile islamique.
Cette longue procédure a permis aux employeurs de clarifier
leur position face aux convictions religieuses de leurs salariés en jugeant
qu’ils pouvaient prévoir dans le règlement interne de l’entreprise une clause
de neutralité prohibant «le port visible de tout signe politique, philosophique
ou religieux sur le lieu de travail». Une clause seulement applicable aux
salariés se trouvant en contact avec des clients. Si un salarié refuse de s’y
conformer, l’employeur doit alors le reclasser en lui proposant un autre poste
plutôt que de le licencier.
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