D’après les explications issues de l’analyse précédente de
l’article 1 de la directive 2000/78, il parait évident que le législateur
européen souhaite protéger fermement la liberté de religion ou de convictions
des travailleurs contre la discrimination émanant des employeurs car
celle-ci entache et anéantit le principe fondamental de l’égalité de
traitement.
Dans le même sens, les rédacteurs de la directive 2000/78
ont conçu une approche juridique fondée sur trois piliers : i. la
définition du « principe de l’égalité de traitement », ii. la
caractérisation des formes de discrimination et iii. l’aménagement de la
charge de preuve.
i. Concept de l'égalité de traitement
Il va sans dire que la terminologie est décisive dans
l’appréhension de tout discours de nature juridique. Dans cette logique, la
directive 78/2000 a donné une définition à la notion du
« principe de l’égalité de traitement » en vue d’assurer sa mise en
œuvre univoque en cohérence avec la volonté du législateur. Ainsi, le
paragraphe 1 de l’article 2 définit « le principe de l’égalité de
traitement » comme:
« (..) l'absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l'article 1er. »
Il découle de cette définition que la violation du
principe de l’égalité de traitement est établie du simple fait de la
constatation d’une discrimination fondée sur la religion ou sur les autres
motifs protégés**. Cette discrimination est perçue comme une sonnette d’alarme
qui renseigne sur l’existence d’une violation du principe de l’égalité de
traitement. La sonnette d’alarme est déclenchée dès qu’il y a signe de
discrimination.
Le concept « égalité de traitement » est tellement
grand qu’il est difficile ou impossible de le définir de façon directe car elle
encadre d’innombrable cas de figure et traits caractéristiques. Pour remédier à
ce complexe sémantique, les rédacteurs de la directive ont livré une
quasi-définition renvoyant vers une autre notion facile à définir à savoir la
discrimination.
Pour illustrer cette approche par un exemple simple, je me
demande de définir le concept « tissu propre ». En guise de réponse
on peut dire que « on entend par " tissu propre"
l'absence de toute saleté ». Par analogie, le « tissu
propre » dans cet exemple représente « l’égalité de traitement »
et la « saleté » représente la « discrimination ».
Ce qu’on peut retenir de cette approche de définition c’est
que la discrimination est un acte prohibé qui renseigne sur la violation du
principe de l’égalité de traitement ; violation d’un principe qui protège
les valeurs naturelles associée à l’Homme à savoir le genre, l’âge ainsi que la
religion, les convictions et le handicap.
ii. Les caractéristiques de la discrimination
En plus de la définition du concept « principe de
l’égalité de traitement », les rédacteurs de la directive se sont penchés
sur la caractérisation de l’acte de discrimination.
Ainsi, pour faire perdre les employeurs toute chance de
masquer leurs actes discriminatoires, le législateur européen a institué la
notion de « discrimination indirecte » à côté de la notion de
« discrimination directe ». L’article 2, paragraphe 2 clarifie
ces notions comme suit :
2. Aux fins du paragraphe 1:a) une discrimination directe se produit lorsqu'une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l'un des motifs visés à l'article 1er;b) une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une religion ou de convictions, d'un handicap, d'un âge ou d'une orientation sexuelle donnés, par rapport à d'autres personnes, (..)
Il découle de la lecture de ces dispositions que la
discrimination directe est la discrimination évidente exercée franchement par
une personne sur une autre. Alors que la discrimination indirecte est une
discrimination masquée dans un écrit (disposition ou critère) ou pratique qui,
malgré son apparence neutre, produit des effets discriminatoires. Ensuite, la
discrimination directe cible personne par personne alors que la discrimination
indirecte cible plusieurs personnes appartenant à une catégorie fondée sur une
religion ou convictions, âge ..
Important est de retenir à ce stade que la protection contre
la discrimination constitue un droit universel protégés, entre autres par la
Déclaration universelle des droits de l'homme, par la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par La
Convention n° 111 de l'Organisation internationale du travail interdit la
discrimination en matière d'emploi et de travail. Ce droit est aussi consacré
par la directive 78/2000 qui prohibe la discrimination dans toute ses formes
manifeste (directe) et cachée (indirecte).
iii. La preuve de la discrimination
Pour exprimer l'attachement à leur conviction de défenseur
du principe fondamental de l’égalité de traitement, les rédacteurs de la
directive ont pensé au système de preuve pour l’utiliser comme
instrument de promotion de l’égalité et de lutte contre la discrimination.
L’article 10, paragraphe 1, de la directive énonce :
« Les États membres prennent les mesures nécessaires, conformément à leur système judiciaire, afin que, dès lors qu'une personne s'estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l'égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement »
D’après cet article, la discrimination se présume et
la preuve du contraire est mise à la charge du présumé auteur de ladite discrimination.
Autrement dit, la partie demanderesse, victime d’une différence de traitement,
présente les faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination
tandis que la charge de preuve du respect du principe de l’égalité de
traitement -soit la preuve de l’absence de discrimination- revient au présumé
auteur de la discrimination, la partie défenderesse en l’occurrence.
Concrètement, si un (e) salarié (é) s’adresse à la justice
pour prétendre qu’il (elle) a subi un acte discriminatoire, le juge prend en
charge les faits présentés par la victime et demande à l’employeur, auteur
présumé de la discrimination, d’apporter la preuve qu’il n’a pas commis de
discrimination.
Sur un autre plan, le considérant (15) de la directive
2000/78, exige que l'appréciation des faits qui permettent de présumer
l'existence d'une discrimination directe ou indirecte appartient à l'instance
judiciaire nationale conformément au droit national ou aux pratiques
nationales. Le rôle de la CJUE dans ce cadre se limite à fournir une
interprétation du droit de l’Union, et non d’appliquer ce droit à la situation
de fait qui sous-tend la procédure au principal. En conséquence, il
n’appartient dès lors à la CJUE ni de se prononcer sur des questions de fait
soulevées dans le cadre du litige au principal, ni de trancher des divergences
éventuelles d’opinion sur l’interprétation ou l’application des règles de droit
national (voir Recommandations à l’attention des juridictions nationales,
relatives à l’introduction de procédures préjudicielles 2012/C 338/01).
Dans quelle mesure la CJUE a respecté ces conditions
(définition, caractéristique et preuve et appréciation des faits, pouvoir
d’appréciation des faits) dans le traitement des affaires belge et
française ?
Une question est posée au chercheur dans la perspective du
contrôle de l’application de la CJUE du droit, expression suprême de la volonté
des peuples. En d’autres termes dans quelle mesure la CJUE a respecté la
volonté des européens dans l’interprétation ou le « jugement » de ces
deux affaires ?
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** Pour des considérations pédagogiques et de cohérence avec l’objet
des deux arrêts, je vais souvent me contenter de citer le motif de religion
sans avoir la volonté de négliger les autres motifs ou caractéristiques.
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