6/27/2017

Affaire belge : Mme Achbita/G4S

Cette affaire oppose Mme Samira Achbita, en qualité de salariée, à la société G4S Secure Solutions NV (désignée ci-après « G4S »), en qualité d’employeur. Mme Samira Achbita exerce son travail depuis le 12 février 2003 comme réceptionniste cher G4S.
Mme Achbita a été soutenue dans cette affaire par le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, devenu entre-temps Unia. C’est une institution publique indépendante qui œuvre pour l’égalité des chances et la lutte contre les discriminations. (voir son site)
Dans le détail des faits, Mme Achbita, de confession musulmane, a décidé le 15 mai 2006 de porter un foulard pendant les heures de travail alors que G4S interdit « implicitement » aux salariés de porter au travail des signes de convictions religieuses, politiques ou philosophiques. Le 12 juin 2006, « en raison de sa résolution persistante de porter un foulard islamique en tant que musulmane », G4S a licencié Mme Achbita. Un jour après, le 13 juin 2006, G4S a procédé à la modification de son règlement de travail (règlement interne). Dorénavant, une règle interne de cette entreprise privée prévoit, expressément cette fois-ci, qu’« il est interdit aux travailleurs de porter sur le lieu de travail des signes visibles de leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses ou d’accomplir tout rite qui en découle ».
Dans la procédure, Mme Achbita a contesté, le 26 avril 2007, devant le tribunal du travail d’Anvers, la décision de licenciement arguant du fait qu’elle est abusive et viole  la loi belge de lutte contre la discrimination. En réponse, ce tribunal considère par jugement du 27 avril 2010, qu’il n’y avait en l’espèce aucune discrimination. Il en est ainsi pour la cour du travail d’Anvers qui rend légitime la restriction de la liberté de manifester sa religion d’autant plus que la règle interne du règlement de travail de G4S est de portée générale et ne vise pas une croyance déterminée. Son arrêt est intervenu le 23 décembre 2011.
Insatisfaite,  Mme Achbita a formé un pourvoi devant la Cour de cassation belge en considérant que les tribunaux de premier et deuxième degrés ont méconnu la notion de « discrimination directe » et la notion de « discrimination indirecte » au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.
La Cour de cassation suscite, par décision du 9 mars 2015, l’aide de la Cour de justice de l’union européenne (CJUE) et lui demande une interprétation des dispositions de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2000/78. En substance, cet article définit les notions de la « discrimination directe » et de la « discrimination indirecte » ainsi que la dérogation y afférente c’est-à-dire la situation où la discrimination indirecte est tolérée car elle est justifiée.
A la fin de ses conclusions, la CJUE considère, en matière de « discrimination directe », que « l’interdiction de porter un foulard islamique, qui découle d’une règle interne d’une entreprise privée interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, ne constitue pas une discrimination directe fondée sur la religion ou sur les convictions». D’après cette « interprétation », le motif de licenciement évoqué par la société G4S pour licencier Mme Samira Achbita est légal au sens du droit communautaire. L'arrêt de la CJUE est intervenu le 31 mai 2016 après avoir reçu la question préjudicielle le 9 mars 2015.
En matière de « discrimination indirecte », et devant le risque d’établir que cette règle interne constitue une discrimination indirecte, la CJUE neutralise cette hypothèse en activant la dérogation prévue par l’article 2, paragraphe 2, sous b) de la directive 2000/78 qui tolère et rend justifié le désavantage induit par une telle règle interne, c’est-à-dire même dans l’affirmation de telle hypothèse, la discrimination indirecte est justifiée par la poursuite par l’employeur, G4S en l’occurrence, dans ses relations avec ses clients, d’une politique de neutralité, chose qui constitue un objectif légitime justifiant la discrimination en l’espèce.  


Force est de constater (je le confirmerai ultérieurement dans d’autres articles analytiques) que l’arrêt de la CJUE a ouvert des issus en faveur d’une interprétation vaste de la dérogation prévue par les dispositions de la directive 2000/78 ; des issus qui profitent à G4S et à toute autre entreprise. De même, la CJUE a laissé la porte franchement ouverte pour activer la dérogation au principe de l’égalité traitement en matière d'emploi et de travail moyennant une simple règle contractuelle dictée par un chef d’entreprise.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

La publication de commentaire engage seulement son auteur vis à vis des lois et Règlement relatif au contenu de Blogger

Affaire Asma Bougnaoui: la justice confirme le droit de porter le voile en entreprise

La Cour d’appel de Versailles a annulé jeudi le licenciement en 2009 d’une ingénieure qui avait refusé de retirer son voile islamique à la...