Cette affaire oppose Mme Samira
Achbita, en qualité de salariée, à la société G4S Secure Solutions NV (désignée
ci-après « G4S »), en qualité d’employeur. Mme Samira
Achbita exerce son travail depuis le 12 février 2003 comme réceptionniste cher
G4S.
Mme Achbita a été soutenue dans cette
affaire par le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme,
devenu entre-temps Unia. C’est une institution publique indépendante qui œuvre
pour l’égalité des chances et la lutte contre les discriminations. (voir son site)
Dans le détail des faits, Mme Achbita, de
confession musulmane, a décidé le 15 mai 2006 de porter un foulard pendant les
heures de travail alors que G4S interdit « implicitement » aux
salariés de porter au travail des signes de convictions religieuses, politiques
ou philosophiques. Le 12 juin 2006, « en raison de sa résolution
persistante de porter un foulard islamique en tant que musulmane », G4S a licencié
Mme Achbita. Un jour après, le 13 juin 2006, G4S a procédé à la
modification de son règlement de travail (règlement interne). Dorénavant, une règle
interne de cette entreprise privée prévoit, expressément cette fois-ci, qu’« il
est interdit aux travailleurs de porter sur le lieu de travail des signes
visibles de leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses ou
d’accomplir tout rite qui en découle ».
Dans la procédure, Mme Achbita
a contesté, le 26 avril 2007, devant le tribunal du travail d’Anvers, la décision de licenciement
arguant du fait qu’elle est abusive et viole
la loi belge de lutte contre la discrimination. En réponse, ce tribunal
considère par jugement du 27 avril 2010, qu’il n’y avait en l’espèce aucune discrimination. Il en est ainsi
pour la cour du travail d’Anvers qui rend légitime la restriction de la liberté
de manifester sa religion d’autant plus que la règle interne du règlement de
travail de G4S est de portée générale et ne vise pas une croyance déterminée. Son arrêt est intervenu le 23 décembre 2011.
Insatisfaite, Mme Achbita a formé un
pourvoi devant la Cour de cassation belge en considérant que les tribunaux de
premier et deuxième degrés ont méconnu la notion de « discrimination
directe » et la notion de « discrimination indirecte » au sens
de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre
2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement
en matière d'emploi et de travail.
La Cour de cassation suscite, par décision du 9 mars 2015, l’aide de la Cour
de justice de l’union européenne (CJUE) et lui demande une interprétation des
dispositions de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2000/78. En substance,
cet article définit les notions de la « discrimination directe » et de
la « discrimination indirecte » ainsi que la dérogation y afférente c’est-à-dire
la situation où la discrimination indirecte est tolérée car elle est justifiée.
A la fin de ses conclusions, la CJUE considère, en matière
de « discrimination directe », que « l’interdiction de porter un
foulard islamique, qui découle d’une règle interne d’une entreprise privée
interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux
sur le lieu de travail, ne constitue pas une discrimination directe fondée sur
la religion ou sur les convictions». D’après cette
« interprétation », le motif de licenciement évoqué par la société
G4S pour licencier Mme Samira Achbita est légal au sens du droit
communautaire. L'arrêt de la CJUE est intervenu le 31 mai 2016 après avoir reçu
la question préjudicielle le 9 mars 2015.
En matière de « discrimination indirecte », et
devant le risque d’établir que cette règle interne constitue une discrimination
indirecte, la CJUE neutralise cette hypothèse en activant la dérogation prévue
par l’article 2, paragraphe 2, sous b) de la directive 2000/78 qui tolère
et rend justifié le désavantage induit par une telle règle interne, c’est-à-dire
même dans l’affirmation de telle hypothèse, la discrimination indirecte est
justifiée par la poursuite par l’employeur, G4S en l’occurrence, dans ses
relations avec ses clients, d’une politique de neutralité, chose qui constitue
un objectif légitime justifiant la discrimination en l’espèce.
Force est de constater (je le confirmerai
ultérieurement dans d’autres articles analytiques) que l’arrêt de la CJUE a ouvert des
issus en faveur d’une interprétation vaste de la dérogation prévue par les dispositions
de la directive 2000/78 ; des issus qui profitent à G4S et à toute autre
entreprise. De même, la CJUE a laissé la porte franchement ouverte pour activer
la dérogation au principe de l’égalité traitement en matière d'emploi et de
travail moyennant une simple règle contractuelle dictée par un chef d’entreprise.
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