Cette affaire oppose Mme Asma Bougnaoui,
en qualité de salariée, à la société Micropole SA (anciennement Micropole univers
SA), en qualité d’employeur. Mme Asma Bougnaoui est ingénieur
d’études depuis 15 juillet 2008 cher Micropole SA.
Mme Asma Bougnaoui a été soutenue dans
cette affaire par l’Association de défense des droits de l’homme (ADDH).
Dans le détail des faits, Micropole SA a
licencié par lettre du 22 juin 2009 Mme Asma Bougnaoui, de confession musulmane,
arguant du fait que son client, société Groupama, considère gênant « le port
du voile » et ordonne « pas de voile la prochaine fois ».
Dans la procédure, Mme Bougnaoui
a recouru en novembre 2009 à la justice française pour contester son
licenciement, réputé discriminatoire. Au premier degré, le conseil de prud’hommes de
Paris répute dans son jugement rendu le 4 mai 2011 que le licenciement est
légal car « la restriction à la liberté de Mme Bougnaoui de porter le
foulard islamique était justifiée et proportionnée ». Au deuxième degré,
la victime recourt à la cour d’appel de Paris qui, de son tour, a confirmé ce
jugement par arrêt du 18 avril 2013.
L’argumentation des juges dans cette
affaire consiste à estimer que l’employeur est en droit de licencier une salariée
lorsque le foulard qu’elle porte et le contact directe qu’elle entretient avec
la clientèle sont de nature à nuire à l’image de l’employeur et à heurter les
convictions et les sensibilités de ses clients.
Insatisfaite, Mme Bougnaoui a saisi
la cour de cassation pour violation de la loi notamment les articles L. 1121-1,
L. 1321-3 et L. 1132-1 du code du travail français (ce code a subi
des modifications ; j’y reviendrai au moment opportun). Elle considère
que « les restrictions à la liberté religieuse devraient être justifiées
par la nature de la tâche à accomplir et répondre à une exigence
professionnelle essentielle et déterminante pour autant que l’objectif est
légitime et l’exigence est proportionnée » comme l’exige l’article 4,
paragraphe 1 de la directive 2000/78.
A ce stade de la procédure, la cour de
cassation a suscité, par décision du 9 avril 2015, l’aide de la Cour de justice de l’union européenne (CJUE) et
lui demande en substance de savoir est ce que, l’article 4, paragraphe 1, de la
directive 2000/78 doit être interprété en ce sens que la volonté d’un employeur
de tenir compte des souhaits d’un client de ne plus voir les services dudit
employeur assurés par une travailleuse portant un foulard islamique constitue
une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de cette
disposition ?
Partant d’une insuffisance de clarté de la
question substantielle émise par la cour de cassation française, la CJUE a corrigé
cette question et a établi deux hypothèses dérivées ; une portant sur la
discrimination directe et l’autre sur la discrimination indirecte. Pour
approcher la deuxième hypothèse, la CJUE s’est penchée dans un premier temps à
discuter la règle de discrimination directe en invitant le juge national d’infirmer
ou de confirmer son existence et puis dans un deuxième temps s’est penchée à
discuter la dérogation de cette règle. Or, cette approche n’a pas été respectée
dans la vérification de la deuxième hypothèse concernant la discrimination
directe, puisque la CJUE s’est penchée immédiatement à discuter la dérogation.
En revanche, l’avocat général (voir point
88 de ses conclusions) a conclu que Mme Bougnaoui est victime d’une
discrimination directe basée sur sa religion au sens de l’article 2,
paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78. En guise de preuve, l’Avocat
Général considère qu’ « un ingénieur d’études travaillant chez
Micropole qui n’aurait pas choisi de manifester ses croyances religieuses en
portant une tenue vestimentaire particulière n’aurait pas été licencié.. ».
Autrement dit, Mme Bougnaoui est traitée de manière moins favorable qu'une
autre salariée se trouvant dans la même situation et optant pour des
convictions différentes ou choisissant de ne pas manifester ses croyances.
En agissant de la sorte, la CJUE a privé Mme Bougnaoui sans
explication de bénéficier d’un régime de discrimination directe plus rigide que
la discrimination indirecte. De même, la CJUE renvoie à sa jurisprudence issue
de l’affaire belge (Achabita/G4S) et promut les conclusions y afférentes (voir
article : Affaire belge : Mme Achbita/G4S) ;
jurisprudence qui profite gracieusement d’une interprétation non restrictive de
la dérogation prévue par la directive en ce qui concerne la discrimination
indirecte. Alors qu’en principe cette dérogation doit être interprétée de
manière restrictive puisqu'il s’agit d’une exception.
Sinon, la CJUE a fini par considère que « la volonté
d’un employeur de tenir compte des souhaits d’un client de ne plus voir les
services dudit employeur assurés par une travailleuse portant un foulard
islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle
essentielle et déterminante.» Autrement dit, le motif de licenciement évoqué
par la société Micropole SA pour licencier Mme Asma Bougnaoui est illégal au
sens du droit européen. L'arrêt de la CJUE est intervenu le 14 mars 2017
après avoir reçu la question préjudicielle le 24 avril 2015.
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