8/28/2017

A quoi sert la directive 2000/78 : son objet, son champ d'application et sa finalité.

A partir de cet article commence l’examen du fond des deux arrêts de la CJUE rendus dans l’affaire belge C-157/15 Achbita/ G4S et l’affairefrançaise C-188/15 Bougnaoui / Micropole Univers. Cet examen porte d’abord sur une analyse

conceptuelle des articles 1, 2, 10 paragraphe 1, et 4 paragraphe 1 de la directive 2000/78. L’objectif en est de comprendre les fondements juridiques du régime de lutte contre la discrimination et jalonner le terrain à la discussion des deux arrêts rendus par la CJUE dans les affaires susmentionnées. D’ailleurs ces arrêts, ainsi que les conclusions y afférentes des deux avocats généraux sont fondés principalement sur ces articles plus que d’autres. D’où l’intérêt de l’accent qui sera mis sur eux dans les prochains articles avant d’interroger ensuite l’application par la CJUE de ces articles.


Nous avons établi précédemment que la volonté d’instituer un espace « de paix et de stabilité » est traduite par la mise en place du droit et des institutions européens. Ces valeurs, poursuivies par l’UE, sont à rechercher non seulement dans la scène et la période de guère mais aussi ailleurs et en toute période à l’école, dans la famille, sur la voie publique, etc. L’entreprise, acteur économique moral, est aussi un espace social qui mérite d’y promouvoir les valeurs de paix et de stabilité. D’ailleurs, c’est un domaine qui contribue dans une large mesure à la pleine participation des citoyens à la vie économique, culturelle et sociale, ainsi qu'à l'épanouissement personnel (voir considérant 9 de la directive 2000/78.). Sachant encore qu’aujourd’hui on dépense plus de temps à l’entreprise où cohabite des femmes et des hommes, des personnes âgées et des personnes moins âgées, des personnes de convictions ou de religions différentes et surtout des employeurs forts disposant de l’autorité à côté des salariés soumis dépourvus d’autorité.

Il va sans dire que les relations dans l’entreprise sont à forts enjeux économique, sociale et culturelle voir même politique -politique européenne-. Elle se pose alors la question de la régulation de l’autorité exercée par les employeurs sur les travailleurs de façon à protéger et équilibrer les intérêts en jeu.

C’est à partir de là qu’on arrive à adhérer au choix intelligent du législateur européen de concevoir un texte juridique dédié au domaine de l’emploi et du travail, à savoir la directive 2000/78. Il vise ainsi à protéger les personnes qui vivent sur le territoire de l’entreprise contre les actes discriminatoires émanant des uns contre les autres ; actes incompatibles avec un espace de paix et de stabilité tant bien que mal construit par les européens ; actes qui risquent en plus de nuire à la participation des citoyens à la vie économique et à l'épanouissement personnel.

Effectivement, d’après l’article premier de la directive 2000/78, ses dispositions définissent un cadre juridique de travail pour lutter contre la discrimination. Elles s’appliquent au domaine de l’emploi et du travail, aussi bien au secteur public qu’au secteur privé, en ce qui concerne l’accès à l’emploi, les conditions de travail, la rémunération, le licenciement, etc.
L’objectif en est de garantir la mise en œuvre effective du principe de l'égalité de traitement tel que prévu par le Traité instituant la Communauté européenne. L’égalité de traitement dont il s’agit ici est considérée nonobstant la religion ou la conviction choisie par les travailleurs, l'handicap qu’ils éprouvent ainsi que leur âge ou orientation sexuelle.

« La présente directive a pour objet d'établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l'handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle, en ce qui concerne l'emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l'égalité de traitement. »
D’abord, il découle de la lecture de ce premier article que la directive 2000/78 a un objet et une finalité. Son objet est de mettre en place un régime juridique de lutte contre la discrimination en matière d’emploi et de travail. Sa finalité est la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement.

En un mot, les européens veulent mettre en œuvre le principe de l’égalité de traitement et ce travail passe concrètement par la lutte contre le parasite de la discrimination. La discrimination est prohibée dans les rapports de l’entreprise avec ses travailleurs nonobstant sa cause cible : religion ou convictions, handicap, âge ou orientation sexuelle**.

Ainsi, le législateur œuvre pour la protection des libertés individuelles dont le droit de religion car elle constitue une cible potentielle des auteurs des actes discriminatoires au sein de l’entreprise comme ailleurs.  Le législateur donne ainsi à la liberté de religion une place privilégiée sur le territoire et l’espace de l’entreprise où règne la liberté d’entreprendre. Il s’agit de protéger la liberté des chercheurs d’emploi et des travailleurs dépourvus de pouvoir devant leurs recruteurs potentiels et employeurs bourrés d’autorité.  Cette liberté de religion implique bien entendu tant le droit « d’intérioriser » sa religion que le droit « d’extérioriser ou de manifester » sa religion.

Dans le prochain article, je poursuivrai l’examen juridique des dispositions phares de la directive à savoir les articles 2 et 10 paragraphe 1, et ce, avant de se pencher ultérieurement sur l’article 4 paragraphe 1.

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** Pour des considérations pédagogiques et de cohérence avec l’objet des deux arrêts, je vais souvent me contenter de citer le motif de religion sans avoir la volonté de négliger les autres motifs (âges, convictions, orientation sexuelle, handicap) ou prioriser les uns par rapport aux autres.


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