8/25/2017

Le droit et la jurisprudence : lame à double tranchants

L’objectif de cet article est d’appréhender l’importance et les enjeux de l’UE et ses principes fondateurs ainsi que le droit européen et la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), et ce bien entendu en rapport avec les deux affaires objet de l’étude à savoir
l'affaire belge C-157/15 Achbita/ G4S  et l'affaire française C-188/15  Bougnaoui / Micropole Univers.

L’UE est une nécessité impérieuse

L’expérience de la mise en place de l’UE inspire tout être humain libre. La poursuite du développement de cette expérience n’est qu’une manifestation de cette inspiration même s’elle prend le sens de propos critiques.
Plus qu’un choix, l’UE est une nécessité historique surgie à l’issus d’un processus de guerres cruelles entre pays européens et au niveau mondial. Des millions de personnes ont trouvé la mort, toutes nationalités, genres, âges, religions et convictions confondus. La mémoire de l’humanité est encore vive et pleine de blessures au même titre que les corps de certains handicapés de combats, civils et militaires.

A titre de suite logique à ce processus de guerre, l’UE s’était fondée sur une volonté d’instituer un « espace de paix et de stabilité ». J’ose dire que l’ensemble du droit européen et ses principes fondateurs sont gouvernés par cet esprit de pacification des rapports impliquant les Etats, les citoyens et citoyennes, ainsi que les entreprises ou toute organisation économique, sociale ou politique. Le droit européen est l’instrument privilégié susceptible de garantir cet objectif noble.

En traitant le sujet de la discrimination dans le cadre de ces deux affaires impliquant des citoyens, entreprises, Etats et Union européens, il ne faut surtout pas oublier ce contexte historique. Tout travail juridique et jurisprudentiel indifférent à l’égard de ce contexte est dépourvu de bon sens et d’esprit européen et en conséquence risque d’être injuste.

La primauté du droit européen et de la jurisprudence de la CJUE

Le droit européen est constitué de traités, règlements, directives et décisions et autres instruments légaux de force juridique variable. La norme européenne s’applique au niveau des Etats membres de plein droit ou par l’intermédiaire du législateur national. Ce dernier est obligé, le cas échéant, de transposer la norme européenne sous forme de loi ou décret.
Par rapport à son champ d’application, le droit européen peut concerner tous les domaines de la vie des personnes comme c’est le cas de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne par exemple ou il cible un domaine particulier, comme c’est le cas de la directive 2000/78 qui s’applique spécifiquement au domaine de l’emploi et du travail.

Un droit n’est pas une fin en soi et il n’est jamais appliqué de façon effective sans le concours des institutions notamment l’institution de justice. La CJUE est en l’espèce le gardien -ou garant- du respect du droit européen par les Etats, le citoyen et les organisations. Concrètement, elle assure le respect du droit dans l'interprétation et l'application des traités (voir article 19 du traité sur l’UE).

Dans tous les cas, le droit européen prime sur le droit national y compris les constitutions des Etats membres. Cette primauté convenue déroge volontairement au principe de la souveraineté des Etats. De même, sur le plan judicaire, l’interprétation donnée par la CJUE à ce droit s’impose de plein droit aux juridictions nationales ; toutes les juridictions nationales des États membres au même titre que la juridiction nationale ayant porté l’affaire devant la Cour.

Par la force des choses, il semble évident que le droit et la justice européens sont des instruments de mise en place d’un espace de paix et de sécurité ainsi que de prospérité et de développement. Si l’arrivé à ce point est le fruit d’un processus historique long qui a commencé avec la fin de la guerre, il ne faut pas arrêter ce processus notamment pour s’assurer en continue est ce que ce droit et cette jurisprudence accomplissent toujours cette mission noble ou ils en dérivent.

Cette mise en garde s’explique par le fait que la norme et la jurisprudence européennes sont le fruit d’une activité humaine exposée aux risques d’erreur, de subjectivité, de manque d’impartialité et d’indépendance voir même aux risques de conflit d’intérêts, de prédominance des considérations politiques ou personnelles et autres phénomènes humains. Pareilles situations guettent et risquent de vider la fonction historique du droit et de la jurisprudence.

Alors une question légitime se pose : dans quelle mesure la norme et la jurisprudence sont tellement pures qu’elles servent correctement la mise en place d’un espace de paix et de sécurité ?
Posez-vous cette question lorsque vous lisez et/ou étudiez par exemple les arrêts de la CJUE dans l'affaire belge C-157/15 Achbita/ G4S  et l'affaire française C-188/15  Bougnaoui / Micropole Univers.
Cette réflexion est ouverte ici pour provoquer en continue une vigilance accrue et mesurée envers la conception du droit européen et à son application par les gouvernements et le citoyen ainsi que son interprétation décisive par la CJUE.

Les principes du droit européen

Le droit de l’UE est fondé sur des principes fondamentaux, parmi lesquels « le principe de l’égalité de traitement ». Ce principe est applicable à tous les domaines de la vie.  Or, le droit européen lui a associé un texte dédié spécialement applicable dans le domaine de l’emploi et de travail. Il s’agit de la Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Elle est prise en application de l’article 13 du Traité instituant la Communauté européenne. La directive 2000/78 œuvre pour la consécration et la protection de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Cet œuvre passe notamment par la lutte contre la discrimination. 

Concrètement, la directive prescrit généralement une règle général impérative et une exception à cette règle. La règle générale impose le principe de l’égalité de traitement en faveur de toutes les personnes en ce qui concerne la formation, les conditions d’emploi (conditions de recrutement par exemple) et les conditions de travail (rémunération et licenciement par exemple). Par dérogation à cette règle, un traitement inégal des travailleurs est toléré dans certains cas bien encadré par l’article 2, paragraphe 2, b) sous i) et l’article 4, paragraphe 1 (voir article dédié au régime dérogatoire)

Important est de savoir encore que la directive 2000/78 considère ses dispositions comme des exigences minimales en ce qui concerne la consécration de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.  Ainsi, les Etats sont alors incités à adopter des dispositions plus favorables aux exigences de la directive.

Toutefois, certaines pratiques dans quelques Etats membres va à l’encontre de la volonté du législateur de l’UE, à tel point qu’on cherche même à fuir ces exigences minimales au lieu d’encourager d’autres exigences plus favorables. Ces exigences sont tellement considérées comme des fardeaux que l’on fait tout pour activer les dérogations au principe de l’égalité de traitement.

La dérogation ne porte pas en elle-même un problème, mais c’est surtout la façon et la limite de son application qui sont remises en question. Voici encore une deuxième question légitime qui se pose et mérite une réponse : dans quelle mesure la CJUE a fait une application correcte de ce régime de dérogation ?

La réponse à ces questions nous la construisons ensemble dans ce qui proviennent.

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