Il s’agit ici d’examiner sur le plan de principe la question de conflit
entre les principes fondamentaux, en particulier le conflit entre le droit
de la religion et la liberté d’entreprise du moment qu’il est soulevé par les
conclusions de l’avocat général dans l’affaire C‑157/15, Mme Juliane Kokott, et l’arrêt de la CJUE y
afférent.
Certes, l’Union européenne est fondée sur des principes et droits
indivisibles comme le droit à la liberté de religion, droit de travailler,
liberté d’entreprise, liberté d’expression, l’interdiction du traitements
inhumains, la non-discrimination, etc. L’idéal serait de garantir, dans
toutes les situations de vie, une cohabitation entre l’ensemble des droits loin
de toute atteinte ou ingérence. Cependant, conscient que cette
présomption de cohabitation n’est pas absolue notamment dans la sphère de
l’entreprise, le législateur européen à encadré la sphère de l’entreprise par une texte dédié, d'où la naissance de la directive 2000/78. (voir article "à quoi sert la directive"). Ainsi, les rédacteurs de celle-ci ont aménagé les
rapports entre la liberté d’entreprise et les droits liés à la religion, aux convictions,
à l'handicap, à l'âge et à l'orientation sexuelle, et ce sur deux niveaux :
Au premier niveau, la directive 2000/78 consacre a
priori la priorité du droit de la religion sur la liberté d’entreprise en
milieu professionnel. Bien entendu, une
priorité de même valeur sur la liberté d’entreprise est accordée au même
titre que la religion aux convictions, à l'handicap, à l'âge et à
l'orientation sexuelle.
La directive consacre la priorité de ces droits sur la
liberté d’entreprise car c’est sa raison d’être. L’article 1 directive 2000/78 concentre son objet dans la lutte « contre la discrimination
fondée sur la religion ou les convictions, l'handicap, l'âge ou l'orientation
sexuelle, en ce qui concerne l'emploi et le travail ». La directive
2000/78 est institué pour protéger le droit de la religion et les autres droits
contre les effets discriminatoires découlant de l’exercice de la liberté
d’entreprise.
En d’autres termes, le législateur à travers cette directive protège
les salariés contre la discrimination émanant de l’employeur pour le simple
motif qu’ils appartiennent à une religion donnée ou possède des convictions
données ou présente un handicap donné ou ils sont d'un âge donné ou d'une
orientation sexuelle donnée.
Cette balance juridique en faveur du droit de la religion est affirmée
encore par le système de preuve instauré par la directive. D'après son article
10, le salarié (e) victime d’une différence de traitement bénéficie de la présomption de
discrimination, alors que la charge de la preuve du contraire incombe à
l’employeur présumé auteur de discrimination. (voir article "Terminologie et preuve de discrimination")
Au deuxième niveau, la directive 2000/78 consacre la relativité de
la suprématie du droit de la religion sur la liberté d’entreprise et en
trace le contour. Elle prévoit exceptionnellement une hypothèse où le
droit de la religion cède la priorité à la liberté d’entreprise, de sorte
à ce qu’une différence de traitement peut être justifiée. Il s’agit
précisément de l’hypothèse prévue par l’article 4, paragraphe 1. (voir article "Régime juridique dérogatoire au principe de la
non-discrimination")
Généralement, dans toute affaire de discrimination liée au domaine de
l’emploi et du travail, les parties prenantes poursuivent deux pistes
:
· Soit la
confirmation ou l’infirmation de l’existence d’une discrimination directe ou
indirecte sur la base de l’article 2, paragraphe 2, sous a) et l’article 2,
paragraphe 2, sous b)
· Soit l’évocation de
l’une des deux dérogations au principe de non-discrimination sur la base de
l’article 2, paragraphe 2, b) sous i) ou sur celle de l’article 4, paragraphe
1,
En somme, le droit de la religion prime sur la liberté d’entreprise
notamment en matière d'emploi et de travail. La dérogation, correctement
utilisée, est le seul issu offert à l’employeur, présumé auteur de
discrimination, pour faire valoir la primauté de sa liberté d’entreprise sur le
droit de la religion des salariés afin de justifier son acte discriminatoire
s’il n’arrive pas à l’infirmer.
Ceci dit sur le plan juridique, qu’en est-il de la jurisprudence de la
CJUE ?
Comme elle a appliqué l’aménagement juridique de ce rapport entre la
religion et l’entreprise ?
Je repose ces questions car l’arrêt en question de la CJUE est controversé
à cause de certaines erreurs et incohérences décelées. Si cette analyse est vraie, les
conclusions qui en découlent nécessite un débat large à plus d’un titre.
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