5/30/2018

Le "conflit" induit entre le droit de la religion et le droit d’entreprise


Il s’agit ici d’examiner sur le plan de principe la question de conflit entre les principes fondamentaux, en particulier le conflit entre le droit de la religion et la liberté d’entreprise du moment qu’il est soulevé par les conclusions de l’avocat général dans l’affaire C‑157/15, Mme Juliane Kokott, et l’arrêt de la CJUE y afférent.
Certes, l’Union européenne est fondée sur des principes et droits indivisibles comme le droit à la liberté de religion, droit de travailler, liberté d’entreprise, liberté d’expression, l’interdiction du traitements inhumains, la non-discrimination, etc. L’idéal serait de garantir, dans toutes les situations de vie, une cohabitation entre l’ensemble des droits loin de toute atteinte ou ingérence. Cependant, conscient que cette présomption de cohabitation n’est pas absolue notamment dans la sphère de l’entreprise, le législateur européen à encadré la sphère de l’entreprise par une texte dédié, d'où la naissance de la directive 2000/78. (voir article "à quoi sert la directive"). Ainsi, les rédacteurs de celle-ci ont aménagé les rapports entre la liberté d’entreprise et les droits liés à la religion, aux convictions, à l'handicap, à l'âge et à l'orientation sexuelle, et ce sur deux niveaux :

Au premier niveau, la directive 2000/78 consacre a priori la priorité du droit de la religion sur la liberté d’entreprise en milieu professionnel. Bien entendu, une priorité de même valeur sur la liberté d’entreprise est accordée au même titre que la religion aux convictions, à l'handicap, à l'âge et à l'orientation sexuelle. 

La directive consacre la priorité de ces droits sur la liberté d’entreprise car c’est sa raison d’être. L’article 1 directive 2000/78 concentre son objet dans la lutte « contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l'handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle, en ce qui concerne l'emploi et le travail ». La directive 2000/78 est institué pour protéger le droit de la religion et les autres droits contre les effets discriminatoires découlant de l’exercice de la liberté d’entreprise.

En d’autres termes, le législateur à travers cette directive  protège les salariés contre la discrimination émanant de l’employeur pour le simple motif qu’ils appartiennent à une religion donnée ou possède des convictions données ou présente un handicap donné ou ils sont d'un âge donné ou d'une orientation sexuelle donnée.

Cette balance juridique en faveur du droit de la religion est affirmée encore par le système de preuve instauré par la directive. D'après son article 10, le salarié (e) victime d’une différence de traitement bénéficie de la présomption de discrimination, alors que la charge de la preuve du contraire incombe à l’employeur présumé auteur de discrimination. (voir article "Terminologie et preuve de discrimination")

Au deuxième niveau, la directive 2000/78 consacre la relativité de la suprématie du droit de la religion sur la liberté d’entreprise et en trace le contour. Elle prévoit exceptionnellement une hypothèse où le droit de la religion cède la priorité à la liberté d’entreprise, de sorte à ce qu’une différence de traitement peut être justifiée. Il s’agit précisément de l’hypothèse prévue par l’article 4, paragraphe 1. (voir article "Régime juridique dérogatoire au principe de la non-discrimination"

Généralement, dans toute affaire de discrimination liée au domaine de l’emploi et du travail, les parties prenantes poursuivent deux pistes :
·   Soit la confirmation ou l’infirmation de l’existence d’une discrimination directe ou indirecte sur la base de l’article 2, paragraphe 2, sous a) et l’article 2, paragraphe 2, sous b)
·  Soit l’évocation de l’une des deux dérogations au principe de non-discrimination sur la base de l’article 2, paragraphe 2, b) sous i) ou sur celle de l’article 4, paragraphe 1,

En somme, le droit de la religion prime sur la liberté d’entreprise notamment en matière d'emploi et de travail. La dérogation, correctement utilisée, est le seul issu offert à l’employeur, présumé auteur de discrimination, pour faire valoir la primauté de sa liberté d’entreprise sur le droit de la religion des salariés afin de justifier son acte discriminatoire s’il n’arrive pas à l’infirmer.

Ceci dit sur le plan juridique, qu’en est-il de la jurisprudence de la CJUE ?
Comme elle a appliqué l’aménagement juridique de ce rapport entre la religion et l’entreprise ?

Je repose ces questions car l’arrêt en question de la CJUE est controversé à cause de certaines erreurs et incohérences décelées. Si cette analyse est vraie, les conclusions qui en découlent nécessite un débat large à plus d’un titre.


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